Notre prochaine étape, Popayan, est sitée de l’autre côté de la cordillère centrale, dans le département du Cauca qui tire son nom du fleuve qui le traverse en provenance des montagnes du sud de la Colombie pour aller grossir le rio Magdalena dans les basses plaines du nord.
Nous devons donc franchir la cordillère dans le Parque Nacional de Puracé, nom d’un volcan toujours en activité. Ricaute est toujours au volant du Chevrolet 4×4. La route est mauvaise, très mauvaise même. En fait une bonne partie du parcours n’est pas goudronnée et il y des trous et des ornières à tout moment. Le temps est comme la route, mauvais, et nous passons pas mal de temps soit dans le brouillard, soit dans les nuages.
C’est le désert, aucun village, mais pas mal de camions, de bus et de volquetas (camions benne). Ça me rappelle le film « Le salaire de la peur » sauf qu’heureusement nous ne transportons pas un chargement de nitroglycérine 🙂
Ah, un café, pause pipi, pause café. Il y a là un chien chaudement habillé pour affronter les 4-5°C que nous allons rencontrer au point le plus élevé du parcours soit 3200m.
Puis c’est la descente, le goudron revient, le soleil aussi, progressivement. A l’entrée de la ville nous passons devant deux « love motels » le motel Amoriento et le motel Claro de Luna ou apparemment il n’est pas nécessaire de rester tout une nuit, le séjour pouvant se limiter à une heure et même moins pour les rapides. Les colombiens semblent être de ce point de vue aussi cool que les brésiliens.
Si le sujet vous intéresse, jetez donc un coup d’oeil au site du Motel Cupido à Medellin et rassurez-vous, Pablo Escobar est mort et enterré depuis longtemps et on peut aller y faire sa petite affaire en toute tranquillité 🙂
Vous avez cliqué ? Je vais de ce pas aller à la page d’administrateur de ce blog pour voir qui vous êtes … et mon silence peut se négocier 🙂
Popayan (400.000 habitants) est appelé par les colombiens la ville blanche. C’est mérité. Sans avoir vraiment compté, je dirais qu’il y a environ 80 cuadras (patés de maisons) dont les constructions sont entièrement blanches. En plus, il y a partout des échafaudages supportant des peintres munis de pots de peinture … blanche.
Cela change du reste du pays qui est beaucoup plus varié même si le blanc est la couleur dominante. Ici, cela donne une certaine classe à la ville et permet de dissimuler un peu la pauvreté qui est pourtant bien présente.
Notre hôtel est situé à une cuadra et demi de la place principale de la ville, c’est pratique. Cette place est véritablement superbe avec d’un côté la Catedral Nuestra Señora de La Asunción, de l’autre l’Hôtel de Ville, et aussi 3 ou 4 sièges de grandes banques où l’on fait la queue jusque sur le trottoir pour se faire servir. La banque en ligne n’a pas encore vraiment percé ici !
Le Parque Caldas, c’est le nom de cette place, est l’endroit névralgique de la ville, le lieu de toutes les rencontres, celui où l’on vient voir et se faire voir dès qu’on a un petit moment. Il y a là beaucoup d’étudiants parce que nous sommes à deux pas de l’université.
Le soir, on vient déambuler, un peu comme pour le paseo en Espagne. Il y a beaucoup de marchands ambulants, de musiciens de rue, des amoureux, des petites-filles qui promènent leur grand-père, ou inversement, bref la vie.
Mais nous sommes proches de l’équateur et la nuit tombe à 18H. Et, très rapidement, la place se vide. En fait dans ce pays, les gens suivent le rythme du soleil, se lèvent à 6H et sont rentrés chez eux vers 19H sauf bien entendu le vendredi ou le samedi soir où la musique s’empare des rues jusque tard dans la nuit.
Le lendemain, nous bullons. Promenade dans les rues de la ville. Nous explorons, regardons les boutiques. Tout cela nous rappelle un peu la France des années 60 ou 70, les téléphones portables en plus. Même en ville, il y a relativement peu de voitures particulières mais beaucoup, vraiment beaucoup de motos et de taxis.
Etant passé directement du vélo à la 2CV je n’y connais absolument rien en motos mais celles que l’on voit ici sont relativement peu puissantes, sont parfois pilotées par des femmes ou des jeunes filles et, renseignements pris, coûtent entre $800 et $1000. Nous décidons de faire une petite enquête, sans portée scientifique, sur le respect du code de la route en Colombie. Pour cela nous nous asseyons dans un parc d’où nous avons une vue parfaitement dégagée sur un croisement doté d’un feu tricolore, chose rare ici.
Je peux affirmer, sans aucune crainte d’être démenti, que 60% des conducteurs grillent le feu rouge allègrement et sans état d’âme, 10% le respectent et les 30% qui restent sont coincés derrière les 10% qui se sont arrêtés 🙂
Le plus intéressant dans cette étude exprès est que le carrefour est situé à une trentaine de mètres d’un … poste de police devant lequel patientent en permanence 4 ou 5 policiers.
Cela me rappelle une bonne blague qu’on m’avait raconté un jour : à Paris les feux rouges sont impératifs, à Rome ils sont facultatifs tandis qu’au Caire ils sont … décoratifs !
L’heure est venue de quitter les terres andines pour aller nous frotter un peu aux régions caraïbes. Il ya du changement en perpective lorsque nous quittons le tout petit et tout mignon aéroport de Popayan, destination Santa Marta avec escale, comme d’hab, à Bogotá.
Après nos aventures dans le désert de Tatacoa, nous avons repris la route avec Ricaute, notre chauffeur, un tout petit bonhomme toujours en train de rigoler, extrêmement serviable et, qui plus est, extrêmement prudent au volant.
Heureusement parce qu’il est au volant du 4×4 le plus cher du coin, un Chevrolet qui coûte neuve $65.000 ce qui est considérable ici. Comme ce véhicule appartient à une société de Bogotá, il s’en sent responsable et le bichonne avec amour.
Notre destination est San Agustin, plus au sud, et haut lieu de l’archéologie colombienne. La route est longue et encombrée de camions et nous arrêtons juste le temps nécessaire pour boire un jus de fruit, nous détendre les jambes et déjeuner.
Nous arrivons à l’hôtel Yuma qui, à défaut d’être luxueux, est plus confortable que la posada du désert et offre, contre toute attente, une connexion internet dans les parties communes. Tant mieux parce que nous allons passer trois nuits là, un de nos séjours les plus longs au même endroit.
Le lendemain, nous commençons à exécuter le programme qui nous a été préparé et qui doit ressembler comme deux gouttes d’eau à celui qui est proposé à tous les visiteurs de la région, à savoir la visite des ruines archéologiques.
Pour nous aider dans cette découverte, nous disposons d’un guide, Ramiro, qui parle plutôt bien l’anglais mais avec un tel accent que nous mettrons pas mal de temps à nous y habituer. Sur cette photo, nous sommes en présence de Ramiro, à gauche, et de Ricaute, le plus petit.
Les ruines comportent essentiellement des tombeaux ayant la forme de nos dolmens et qui hébergent de nombreuses statues de pierre, certaines étant anthropomorphiques, d’autres représentant des animaux, les dernières étant mixtes.
Ces statues devaient à l’origine être colorées car on distingue par endroits des traces de pigments qui subsistent.
La plupart de ces statues on été édifiées pendant les 800 premières années de notre ère par un peuple dont on ne sait pas grand chose si ce n’est qu’il n’occupait plus les lieux depuis assez longtemps à l’arrivée des espagnols. Les causes de sa disparition ne sont pas claires mais l’hypothèse la plus coramment admise est celle d’un changement climatique qui aurait poussé les habitants à chercher refuge dans des régions plus propices à l’agriculture.
En fait le site n’a commencé à être exploré sérieusement qu’au siècle dernier bien que des pilleurs de tombes aient fait des dégâts auparavant. Il reste sans doute énormément de vestiges à exhumer mais le gouvernement colombien souhaite garder la maîtrise des opérations et ne dispose pas des budgets nécessaires pour poursuivre les fouilles dans l’immédiat.
Dans la mesure où le peuple qui a vécu ici n’a laissé pratiquement aucune autre vestige, on sait très peu de choses de lui ce qui est assez frustrant. Imaginez des archélogues qui, dans un millier d’années, essaieraient de se faire une idée de notre civilisation uniquement à partir des vestiges de nos cimetières.
Le site étant classé par l’Unesco au Patrimoine Mondial de l’Humanité, on cherche à montrer au touriste la moindre pierre, la moindre statue et, à vrai dire, cela devient assez vite assez répétitif si on est pas un fondu d’archéologie.
Nous demandons donc qu’on modifie le programme pour peut-être voir des gens ou des sites naturels. Demande agréée. Nous irons visiter les gorges du Rio Magdalena et demain nous irons faire un tour au marché de San José d’Isnos, à quelques kilomètres d’ici.
Le Rio Magdalena est le fleuve le plus long de Colombie avec ses 1500 km. Il coule du sud au nord, prenant sa source dans le Massif Colombien, espèce de conglomérat montagneux au sud du pays, pour aller se jeter dans la mer des Caraïbes, après avoir traversé de vastes plaines marécageuses.
En attendant, près de San Agustin, il traverse des gorges très étroites dans la mesure où le fleuve, qui est déjà assez important, est contraint de se faufiler entre des murs de roches larges de seulement 2m.
Le lendemain, sur la route de San José d’Isnos, nous retrouvons les paysages de montagne de Colombie avec, ce jour là beaucoup de nuages. Il est vrai qu’il a plu toute la nuit et qu’il y a beaucoup d’humidité dans l’air.
Nous avons également l’occasiion d’apprécier la flore locale comme par exemple ce magnifique cachingo, arbre aux fleurs orange qui ne pousse qu’ici.
Ou encore des orchidées,
Ou d’autres fleurs dont je ne connais pas le nom, ou plutôt dont je l’ai oublié.
La route est toujours pleine de surprises et bien que je n’ai pas de photo, on rencontre encore beaucoup de gens qui se déplacent à cheval. Quant aux animaux n’en parlons pas : à ce jour, nous avons vu en liberté au bord, quand ce n’est pas sur la route des vaches, des chevaux, des porcs, des ânes et quelques moutons, les seules étant privées de liberté étant les chèvres également présentes au bord de la route mais attachées.
C’est jour de marché à San José d’Isnos. Comme je l’ai écrit dans mon post avec galeries de portaits, le marché est l’occasion de nouer ou de renforcer des realations sociales entre des gens qui vivent souvent dans des endroits assez reculés.
Ce qui frappe ici, c’est la bonne humeur généralisée : les gens rient, sourient, s’interpellent. Des sociologues ont récemment essayé de déterminer quels étaient les pays dont les habitants étaient les plus heureux. Sans surprise, certains pays développés bénéficiant d’une grande redistribution des richesses (pays scandinaves) ou de fortes perspectives de développement (Australie, Nouvelle Zélande) arrivent en tête, mais le trio Colombie, Panama, Costa Rica arrive juste derrière bien que le niveau de développement y soit bien inférieur. Explication avancée : des relations sociales très denses et un fort niveau de solidarité entre les gens.
Non, contrairement aux apparences, ce ne sont pas des bananes comme celles que nous mangeons chez nous mais des bananes plantain, moins sucrées que les bananes déssert et qui sont utilisées cuites, comme légume. Elles servent en Colombie à la confection des « patacones« , sortes de beignets que l’on trouve absolument partout et qui accompagnent, avec le riz, viandes et poissons. Personnellement, je les trouve parfaittement insipides ainsi que les arepas qui sont un peu la même chose mais à base de maïs. Heureusement, la cuisine colombienne ne se résume pas à cela et, de manière générale, on mange plutôt bien dans le pays bien que de façon moins variée que chez nous.
Une photo qui donne une idée de la joyeuse pagaïe qui règne ici :
En tout cas on s’amuse bien au marché de San José et nous y faisons figure de curiosité avec nos tailles et nos vêtements étrangers. Les gens veulent nous parler, échanger. Nous avons déjà notre réputation. Même les membres du Cuerpo Tėcnico de Investigación, équivalent local du FBI, veulent poser avec nous ! Imaginez ça avec le vrai FBI.
On voit également des chivas, ces petits autobus où ont été installés des bancs de bois, aux fenêtres remplacées par des portes, avec une galerie sur le toit pour transporter tout et n’importe quoi et peints de couleurs vives. On nous explique d’ailleurs qu’ici, dans le département de Huila, les chivas ne sont pas aussi colorés que dans le département voisin de Cauca. Mais ils sont tout aussi pleins de gens se rendant dans les coins les plus reculés.De retour à notre hôtel, sur le coup de 15H locale, Gaby se souvient que c’est aujourd’hui l’anniversaire de son frère Christian et nous essayons de la contacter sur Skype avec notre smartphone. Nous tombons sur notre fille Cécile qui est en train de fêter l’anniversaire avec la famille et commençons à raconter nos petites histoires.
Nous sommes sur la terrasse de l’hôtel et le patron nous voit. Il s’approche pour voir ce qui se passe et commence à parler avec les allemands. Il fait la promo de la Colombie et de son hôtel. Quand il apprend que Cécile est jeune journaliste, il l’invite à rester à l’hôtel, tous frais payés, autant qu’elle le désire, pour faire un reportage sur les lieux !
Pendant ce temps, à 20 m de nous, se déroule une fête de mariage. Deux petites filles parmi les invités n’ont rien perdu de la scène et veulent également s’essayer sur Skype. C’est drôle de les voir discuter avec des allemands à l’autre bout du monde. On ne se comprend que partiellement mais tout le monde s’amuse. Puis c’est le tour du marié, un jeune militaire de Bogotá, un blond à la peau bien blanche qui tranche avec les métis du coin. Lui aussi parle dans Skype. ¡ Feliz cumpleaños ! (Bon anniversaire !). Puis il s’eclipse et va nous chercher du « champagne », en fait un liquide à bulles, alcoolisé et très sucré. Le geste nous surprend plus qu’agréablement.
A ce moment, ses copains militaires viennent le chercher, le portent à bout de bras quelques mètres et le balancent sans délicatesse dans la piscine de l’hôtel. Le patron crie en espagnol « pas avec les bottes, pas avec les bottes ! Heureusement le marié ne porte pas d’éperons 🙂
C’est le moment que choisit un monsieur (père du marié, de la mariée ? Mystère) pour nous apporter des assiettes avec un morceau du plat principal du repas de noces. C’est du porc qui a été roti en broche, lentement et longtemps, au feu de bois, accompagné de riz et de légumes, un peu comme du riz cantonnais. C’est délicieux. Les membres de la famille nous font de grands signes et de grands sourires. Nous sommes dans la fête.
A l’autre bout du skype, les allemands n’en croient pas leurs yeux ! Ce n’est pas chez eux que cela pourrait arriver, et pas plus en France. D’ailleurs on nous amène le déssert, un gâteau au chocolat très réussi, encore une cachotterie colombienne. Quel sens de l’hospitalité et de la fête !
Nous sommes tellement surpris par cette expérience inattendue que nous en oublions de filmer ces moments et de faire des photos. Qu’importe, je crois qu’ils resteront dans nos mémoires …
Hier nous avons passé un moment sur le marché de San José d’Isnos. C’est le jour le plus important de la semaine pour les habitants du coin : les paysans viennent vendre leurs produits et faire leurs achats, les jeunes gens font pétarader leurs motos, les collégiens profitent du week-end, les commerçants font leurs affaires, les bars sont pleins, la musique s’entend partout et, secrètement, ceux qui sont seuls viennent chercher l’âme soeur.
C’est un spectacle haut en couleurs, l’occasion révée pour faire des photos. Heureusement les gens d’ici adorent se faire photographier : il suffit de leur demander. Certains sont timides et n’osent pas trop mais en demandant 2 ou 3 fois on vient vite à bout de leurs réticences. Je n’essuie qu’un seul refus, celui d’un soldat, mais son collègue, le sergent Gonzalès accepte de bon coeur.
Voici donc une galerie de portraits pour vous permettre de mieux connaître ce peuple mélangé, heureux, optimiste et en même temps sérieux et attaché à ses traditions. En vous attardant un peu sur chacune de ces photos, peut-être pourrez vous percer le secret de leurs pensées …
Le sergent Gonzales :
Collégiennes (dur dur de photographier les garçons, ils font vroum vroum sur leurs motos) :
Des commerçants :
Viviana, 17 ans, accompagnée de sa maman, est très timide.
Deux campesinos (paysans) pur jus : sur leur hanche pendouille une rdoutable machette de 1m de long.
Non, tous les colombiens n’ont pas les yeux et les cheveux noirs.
Mais la majorité est métissée.
Je reprendrai sous peu le cours linéaire de ce récit en vous racontant notre séjour à San Agustin (province de Huila) (autre lien ici) avec ses déceptions (les ruines archéologiques) et ses temps forts (un mariage).
En attendant il pleut et nous partons pour Popayan, notre dernière escale andine avant la chaleur caraïbe.
Nous quittons Salento ce matin pour la relativement grande ville de Pereira (500.000 hab.) où nous prendrons l’avion pour l’autre relativement grande ville de Neiva (300.000 hab) avec escale obligatoire à l’aéroport El Dorado de Bogotá.
Déjouant tous les pronostics, les avions sont plus ou moins à l’heure et c’est bien agréable.
J’essaye toujours de trouver un siège sur les issues de secours pour pouvoir loger mes longues jambes et c’est relativement facile dans la mesure où les vols intérieurs sont loin d’être pleins et où la demande pour ces sièges est relativement faible, les colombiens étant du genre petit et costaud.
Là où c’est plus compliqué c’est que toutes les annonces sont faites exclusivement en espagnol et où l’équipage est relativement strict sur le fait que les occupants de ces sièges comprennent bien la langue. Je dois donc développer des stratégies relativement sophistiquées pour masquer mes déficiences, stratégies qui vont du sourire étudié à la phrase complexe répétée longtemps à l’avance en passant par l’humour.
Jusqu’à maintenant ça a toujours fonctionné.
A l’aéroport de Neiva nous attendent notre guide, Pédro, et notre chauffeur, Ricaute (= Ricardo) qui doivent nous conduire dans l’après-midi au désert de Tatacoa. Voici la photo de Pédro :
Ça m’inquiète un peu parce que ce qui nous frappe en arrivant à Neiva c’est l’élévation soudaine et innatendue de la température. Il est 16H30 et il fait environ 37-38°C, le plus haut de la journée ayant été de 42°C. Normal, on s’est rapproché de l’équateur et on est descendus à 400m d’altitude.
Mais quand il faut y aller, il faut y aller, alors on y va.
Villavieja, Huila, Colombia
Nous arrivons au gros bourg de Villavieja, antichambre du désert, où nous nous arrêtons à un hôtel dans lequel nous aurons la possibilité de passer la nuit. Mais notre guide nous dit qu’en fait nous aurons le choix entre cet hotel et une posada située quant à elle en plein désert. Curieuse proposition dès lors que cet hôtel nous semble correct à défaut d’être luxueux et qu’il possède la clim. En notre for intérieur, nous sommes certains que c’est là que nous atterrirons.
Le désert de Tatacoa est situé à une quarantaine de kilomètres au nord-est de Neiva. Techniquement parlant, ce n’est pas à proprement parler un désert dans la mesure où il y a de la végétation : un peu d’herbe misérable et rase, quelques arbustes rabougris du genre acacia et des cardones (cactus candélabres).
Il y a également des coins où rien ne pousse et on a alors affaire soit au desierto gris soit au desierto rojo en fonction de la couleur de la terre.
Le désert n’est pas inhabité puisque qu’il existe quelques fincas qui pratiquent un élevage très extensif de caprins et de vaches étiques. Nous passons même devant une minuscule école qui accueille 4 écoliers et dont l’unique instituteur dispose sur place d’un logement de fonction plus que basique qui doit bien faire 10 m².
Nous arrivons juste avant l’heure du coucher du soleil, la « golden hour » pour les photographes, où la lumière est chaude et rasante, ce qui me permet de m’en donner à coeur joie. C’est le moment de partir un peu en ballade dans notre « mini-Colorado » et ce, d’autant plus que la température est maintenant agréable. Voici quelques souvenits visuels ramenés de cette promenade :
La nuit tombe, c’est le moment de repartir vers la posada qui a une chambre d’hôtes. Avant de diner, on nous fait visiter la chambre. C’est vraiment basique. Nous avons déjà eu l’occasion de dormir dans un 1* chilien, à Colchane dans le désert d’Atacama, à deux pas de la frontière bolivienne, et c’était franchement mieux que ce qu’on nous propose ce soir dans un autre désert, celui de Tatacoa.
La chambre est assez grande mais très fruste : sol en béton triste, murs en briques rapidement peintes, plafond en lattes directement vissées sur le tôle ondulée du toit, unique ampoule qui pendouille, lavabo avec robinet baladeur, douche constituée d’un simple tuyau raccordé au container plastique situé sur le toit et contenant de l’eau chauffée par le soleil.
Basique mais, je ne sais pas pourquoi, lassitude, envie d’autre chose, volonté de ne pas déplaire à nos hôtes, nous décidons de poser nos valises ici et de partager notre diner avec les gens qui sont là. Dans un coin de notre tête nous pensons à ce que nous avons lu sur les scorpions qui sont censés exister dans ce désert et s’insinuer dans les habitations pour se planquer dans les chaussures ou les vêtements des habitants. Ceci nous est confirmé par nos hôtes.
Le diner est simple mais très sympa : personne d’autre que nous ne parle anglais. On va donc bien rigoler et c’est bien ce qui se passe. Nous sommes une dizaine : nos hôtes, notre guide et notre chauffeur plus quelques gars venus boire une bière et l’ambiance est plus que détentue. Les colombiens sont un peuple vraiment joyeux. Ils s’amusent d’un rien, ont le rire facile et bon enfant partout où l’on se trouve. Que la vie serait plus facile si les français étaient comme ça !
C’est le moment d’aller se coucher : le lit est dur, il n’y a pas d’air et la chaleur est suffocante (je pense à la tôle ondulée) mais nous l’avons voulu. Alors dodo jusqu’à 5H30 du matin vu que nous avons rendez-vous à 6H pour une autre balade dans le désert, cette fois-ci à la lumière de l’aube.
Sur le coup de 7H nous débarquons dans une ferme tenue par des membres éloignés de la famille de notre guide. Là vivent, depuis le décès de leurs parents, cinq frères et deux soeurs. Aucun n’est marié mais il y a là deux enfants et je crois comprendre que les frères ont aussi des enfants qui vivent avec leurs mères respectives dans les environs. Les moeurs semblent assez libres par ici.
La famille vit de l’élevage, essentiellement des caprins, et est propriétaires de milliers d’hectares de désert où vont paître les bêtes.
Arrive Miguel. C’est l’ainé des frères et un grand gaillard « de ojos claros » (aux yeux clairs) et aux allures de cow-boy. Après les salutations d’usage, il nous propose du lait de chèvre. Nous acceptons.
Aussitôt dit, aussitôt fait. Miguel attrape deux grands verres à bière, son lasso, avec son lasso une chèvre qu’il se met à traire énergiquement. Ça va très vite, 3 ou 4 jets de lait suffisent à remplir un verre. C’est chaud, c’est bon, absolument pas gras. Le verre descend tout seul.
Pendant qu’on y est, toutes les personnes présentes boivent à leur tour un verre de lait. Puis on va s’asseoir pour discuter le coup. Miguel est certes un goat-boy (pardonnez moi le néologisme !) mais il a d’autres cordes à son arc : il est également conteur, poête et musicien. Et il se met à déclamer ses poèmes : je ne comprends pas tout mais cela parle de son amour du désert, de son mode de vie et des satisfactions qu’il en retire.
Mais toutes les bonnes choses ont une fin. C’est le moment de retourner à la posada, prendre notre petit-déjeuner, rassembler nos valises et repartir direction San Agustin, haut lieu de l’archélogie colombienne, où notre hôtel, contrairement à ce qui m’avait été indiqué, dispose depuis peu de temps du wifi, ce qui me permet de vous adresser ces quelques lignes.
Notre avion se pose à Armenia, chef-lieu de la province du Quindio, plus petite province du pays et qui porte le nom du petit fleuve qui la traverse. Ce qui nous frappe en sortant de l’appareil c’est la température. Il fait environ 25° C parce que notre altitude n’est plus que de 1200m et c’est bien agréable.
Andrès, le chauffeur qui doit nous conduire à notre hébergement est tous sourires et ne récrimine pas contre Avianca et son heure de retard. Cela semble être dans la nature des choses à tel point que la compagnie affiche systématiquement des durées de vol supérieures de 30mn à la durée réellement nécessaire de manière à ce que les retards ne se voient pas trop et à ce que les correspondances puissent être effectuées sans trop de difficulté.
La Colombie est en effet un grand pays par sa surface qui est environ le double de celle de la France. Dans la mesure où le réseau routier, bien qu’en perpétuelle amélioration, n’est vraiment pas à la hauteur à ce jour et qu’il n’existe pratiquement pas de réseau ferré, la plupart des déplacements un peu longs (plus de 250 km soit 6H de route) se font en avion et même des villes moyennes comme Arménia sont desservies.
Le réseau aérien domestique est en étoile c’est à dire que la grande majorité des lignes partent ou arrivent à Bogotá et il y a peu de déssertes transversales si ce n’est entre des grandes villes comme Medellin, Cali ou Barranquilla. Il est donc très important que les correspondances à l’aéroport de Bogotá (qui porte le doux nom d’El Dorado) se fassent sans trop de difficulté. D’ailleurs nous testerons cela des demain puisque nous devons aller de Pereira à Neiva en passant bien sûr par El Dorado.
Quindio, Colombia
La seconde chose qui nous frappe en arrivant à Arménia, c’est la végétation. Elle est ici abondante et tout est très vert autour de nous avec des essences très diverses : palmiers, bananiers, avocatiers, bambous et beaucoup d’autres que nous ne connaissons pas.
Enfin, nous avons une impression générale d’ordre et de propreté. Bien sûr ce n’est pas la Suisse, il s’en faut de beaucoup, mais c’est beaucoup plus net que ce que nous avons pu voir jusqu’à présent du pays.
Andrès nous conduit en 40 mn à la Finca Puerto Alegre qui va être notre « home sweet home » pendant 48H. Une finca est une exploitation agricole de taille moyenne la taille supérieure étant appelée Hacienda. Dans la région d’Arménia, de nombreuses fincas ont été aménagées pour qu’à côté des activités agricoles puissent être accueillis des touristes.
C’est le cas de la finca Puerto Alegre qui poursuit sa vocation agricole sur une trentaine d’hectares mais qui dispose d’une dizaine de chambres pour accueillir des touristes, les propriétaires n’habitant pas sur place.
Nous sommes les seuls hôtes lors de notre séjour et c’est un peu dommage car comme nous n’avons pas un programme trop chargé, nous aurions bien voulu échanger avec d’autres voyageurs. Toutefois, les propriétaires ne parlant pas un mot d’anglais ont engagé pour 48H un jeune étudiant, David, parlant très bien la langue de Shakespeare, pour servir « d’interface » et nous aider pendant notre séjour.
En fait David, qui a 23 ans et qui prépare un doctorat de philo, est un jeune extrêmement intelligent et ouvert. Il adore discuter et pendant des heures nous allons sinon refaire le monde du moins échanger sur le sens de la vie et nos expériences respectives. Bien sûr, privilège de l’âge, j’en ai plus que lui et cela le frustre que je calme ses ardeurs.
Bourré de contradictions et se cherchant visiblement, il est gauchiste et croyant, envisage d’entrer dans les ordres mais avait une petite amie « canon », est séduit par les thèses anarchistes mais se réfère sans arrêt au bouddhisme, n’aime pas les touristes mais nous aime bien, rage sans arrêt contre les pays du premier monde (les riches) et leur néo-colonialisme, est curieux de tout, vénère Che Guevara mais aimerait décrocher une bourse pour aller étudier en Allemagne. En un mot il me rappelle furieusement un type que j’ai bien connu il y a une quarantaine d’années : moi-même.
Et que ça fait du bien de discuter avec ce qu’on a été !
Mais il n’y a pas que David à la finca et nous avons quelques visites à faire.
Nous commençons par aller faire un tour au village de Pijao. C’est très rafraichissant, au sens propre parce que nous sommes montés un peu et avons perdu 3 ou 4°C, et au sens figuré parce que c’est un village paisible, plutôt joli et sans l’ombre d’un touriste à part nous. Nous déambulons dans les rues et sentons sur nous des regards curieux mais bienveillants. Les habitants les moins timides nous saluent d’un « buenos dias » auquel je réponds par la même formule en ajoutant, par civilité, un señor ou señora.
D’un bar sur la place principale s’échappe une musique délicieuse, pas une cumbia ni une salsa mais une musique populaire avec guitares, charangos et accordéons avec un petit côté blues latin. J’adore.
Nous continuons notre programme en aller visiter une exploitation de café, la cafètera San Alberto. Diégo est notre guide. Il commence par nous entraîner sur les pentes pour nous montrer les alignements de plants de café puis dans les ateliers pour nous détailler les différentes étapes du processus qui mènera à la commercialisation de grains de la plus haute qualité. Sans entrer dans les détails que vous pourrez trouver sur le site de la société, je suis très impressionné par la haute conscience écologique et la préoccupation constante de qualité qui prévalent à toutes les étapes du processus de fabrication.
Une fois cette visite terminée, nous avons droit à une petite séance un peu plus « fun » puisque nous allons tester nos capacités olfactives et gustatives respectives dans un laboratoire dédié.
On commence par nous faire goûter en aveugle des verres où l’eau a été mélangée avec des solutions sucrée, salée, amère et acide. Là c’est plutôt facile et je m’en sors bien.
Puis on passe aux odeurs et il nous faut identifier celles dégagées par différents flacons parfumés avec des senteurs fruitées, herbales, terreuses, animales, épicées … Là, c’est la cata ! Je suis vraiment nul. Mais ce n’est pas grave parce que de toute façon on nous remet une sorte de diplôme ou plutôt de certificat que nous conserverons précieusement en vue de son encadrement et de sa fixation sur un mur bien en évidence dans notre maison 🙂
Voici celui de Gaby :
Je ne résiste pas au plaisir de vous donner une traduction approximative de ce document :
« Le Maître Dégustateur des cafés San Alberto certfie que Gabriela Choisne a participé avec succès à un baptème cafetier au cours duquel elle est parvenue à éveiller ses sens et, grâce aux connaissances acquises, est devenue une ambassadrice des cafés San Alberto. Dorénavant elle ne dégustera que des cafés de qualité supérieure et fera prévaloir son opinion pour que se développe la culture cafetière. »
Après la pause café nous allons déjeuner puis visiter le jardin botanique et un « mariposario » (espèce de zoo de papillons) situés non loin d’Arménia. La visite dure longtemps, trop à mon goût, et je ne vais pas m’attarder dessus ici si ce n’est insérer quelques photos que j’aime bien.
Après être rentrés à la finca, y avoir diné, avoir discuté tard avec David, avoir dormi puis petit-déjeuné, avoir rediscuté avec David, nous reprenons notre route pour Salento, petite ville très migonne où nous allons passer deux nuits.
Salento est située à 3/4 H d’Arménia et à 2100m d’altitude soit sensiblement plus haut que la finca. Il y fait donc plus frais que dans la vallée et les nuages qui descendent de la cordillière centrale nous gratifieront deux jours de suite, à 15H précise, de violents orages.
Cette petite ville est très touristique et ce pour deux raisons très simples : tout d’abord elle est très, mais vraiment très mignonne et pleine de charme, et ensuite parce que c’est le point de départ pour des excursions dans la vallée de Cocora, dont vous n’avez bien sûr jamais entendu parler, mais sur laquelle je vais revenir.
La ville est mignonne car très bien entretenue, toutes les maisons étant régulièrement repeintes dans des couleurs soit vives soit pastel. Sans rentrer dans le détail voici quelques photos pour vous donner une idée.
On dirait un village de carte postale. En parlant de cartes postales, Gaby a l’habitude, lorsque nous voyageons, d’adresser des cartes postales des différents pays visités à ses parents, son frère et notre fille. Mais en Colombie il y a problème car la carte postale est rare, très rare même … et particulièrement moche.
En plus il ne semble pas y avoir de poste. C’est du moins ce que nous a affirmé notre guide en nous précisant que quand on voulait envoyer quelque chose à quelqu’un on passait par des sociétés privées genre UPS.
C’est tellement bizarre comme situation que j’ai fait une recherche sur internet et cela a confirmé ce qu’on m’avait dit : il n’y a quasiment plus de service postal en Colombie. Après les timbres à $4 par carte postale en Equateur, c’est le plus de timbre du tout ici. On y viendra peut-être un jour chez nous : depuis que je me suis inscrit à la liste Robinson pour ne plus recevoir de pub et que toutes mes factures font l’objet d’un prélèvement automatique, mon facteur ne m’apporte plus guère que les revues auxquelles je suis abonné et les paquets que j’ai commandés en ligne.
Tiens, voici la banque :
et la superette/hotel :
Lui n’est pas repeint mais je le trouve mignon :
Mais venons en à la vallée de Cocora. Cette vallée située à une dizaine de kilomètres de Salento fait partie du Parque Nacional de los Nevados ce qui nous donnera l’occasion de payer un droit d’entrée de COP 3000 (soit €1,20) par personne.
On y accède de Salento le plus généralement en Jeep Willis. Les colombiens semblent avoir mis la main sur tous les stocks de ces jeeps, les avoir repeintes de couleurs vives pour pouvoir y transporter des touristes apparemment ravis de se cogner la tête et de se bouziller les lombaires.
La vallée disais-je est située entre 2400 et 3000m d’altitude, comprend d’innombrables sentiers de randonnée et de trek et se trouve être quasiment le seul endroit où pousse l’arbre national de la Colombie, j’ai nommé le palmier à cire.
Il faut reconnaître que le bougre a de la gueule : environ 50m de haut parfois plus, tronc généralement vertical et nu portant au sommet une touffe de feuilles. C’est le seul palmier qui pousse à une si haute altitude et il s’accomode bien d’une pluviométrie plus qu’abondante (nous en ferons l’expérience).
En plus l’arbre est particulièrement photogénique, ce qui me plait bien, même s’il faut se livrer à quelques contorsions si on veut l’appréhender entièrement (amis photographes je vous recommande le Nikon D5300 qui, par la vertu de son écran orientable, permet de photographier le palmier à cire en entier sans se salir le dos)
Photogénique même si la lumière est dég… et qu’on est dans le brouillard.
Mais on n’est pas venu pour admirer les arbres, on est venu grimper. Et nous voilà imper enroulé autour de la ceinture, bouteille d’eau dans le sac ou la poche, épaisse couche de crème solaire parfaitement inutile sur le visage et les bras, à grimper, grimper.
L’oxygène se fait rare et par voie de conséquence, le souffle se fait court. Je souffre ! Mais voilà mes sauveurs : de vilains nuages commencent à fondre sur nous me fournissant un excellent prétexte pour rebrousser chemin fissa. En fait, à peine assis dans la jeep, le déluge s’abattra sur nous.
Cette grimpette, une fois ma douche prise et une pizza avalée (soit dit en passant elles sont excellentes ici, pas du tout à l’américaine comme je le craignais, et à 4€ sont une affaire), cette grimpette donc m’aura laissé le souvenir cuisant de vilaines crampes qui m’envahissent au moment où j’écris ces lignes.
Sur ce je m’arrête donc pour quelques jours, nos prochaines haltes (désert de Tatacoa, site archéologique de San Agustin) étant annoncées comme étant sans wifi. A bientôt donc.
PS : Pour mes amis ornithologues, en herbe ou confirmés, voici une cliché unique à télécharger sans modération : un pic-pare brise surpris en pleine action 🙂